Jules Mousseron

Le poète mineur (1868-1943)

S’il vivait de nos jours, Jules Mousseron aurait de quoi récolter quelques beaux succès. Sans en tirer plus grande gloire pour autant ! Un type nature. Ouvrier, écrivain, homme de scène, sa position sociale l’amène à tout faire de ses propres mains. À commencer par sa formation scolaire, que sa jeune passion des livres aménage en autodidacte. Car dès l’âge de douze ans, il travaille à la mine, comme tout le monde : parents, voisins, amis. Et, comme tout le monde, malgré une popularité considérable, il demeurera mineur jusqu’à sa retraite.

C’est l’envie d’être poète qui le met d’abord en scène, éprouvant son français bien appris pour d’agréables odes champêtres. Les premiers auditeurs, restés cois le poussent à quitter les hauteurs de son petit Parnasse pour son coin de rue : la langue des mines et ses compagnons. Ses livres, qui sont aussi le texte de ses « concerts » et de ses discours publics, ont pour titre Coups de pic et coup de plumes, Fleurs d’en bas, Éclats de gaillettes… Ils mêlent des textes graves aux histoires drôles, sont écrits en rouchi, dialecte de cette région houillère du Borinage, entre Nord et Belgique dont font partie Valenciennes et Denain.

Le personnage créé par Jules Mousseron, Zeph Cafougnette, mineur, perpétuel étonné, vantard ou grande gueule, à son insu résiste et dit partout ses vérités, culbutant la certitude des sentencieux et la quiétude des nantis. On l’appelle ninoche, bel innocent faisant l’âne, malin jouant au plus bête. Il fait son apparition lors des premières allocutions publiques de Mousseron, complétant d’un clin d’œil subversif les beaux discours honorifiques et ses déclamations sur la mine. Au cours des banquets, des réunions commémoratives, des fêtes d’associations, kermesses, défilé des harmonies, partout on demande Jules Mousseron et sa réputation l’amène à se produire de plus en plus loin, remplissant salles de galas, théâtres ou places publiques. Le début de la gloire ! Mais rien n’affole le tenace travailleur, fidèle à ses sources d’inspiration : la mine et les estaminets, les corons avec leurs personnages, les enfants de Denain, sa famille, sa joie d’écrire parmi les siens.

Mineur de fond et poète

Poète mineur, selon son affirmation amusée, Jules Mousseron fut célèbre dans tout le Nord de la France. Il courait la région avec ses spectacles, faisant salle comble. Son personnage fétiche Cafougnette, dont il contait les aventures en textes rimés, a quelque peu éclipsé la notoriété de son créateur. Au point que beaucoup n’ont plus idée de l’origine de ce sobriquet. On parle de cafougnettes à propos d’histoires drôles en picard, en ch’timi. Ce sont des « blagues » réadaptées ou inventées de toutes pièces. Cafougnette c’est Toto, c’est Marius, un de ces personnages populaires sans mesure, baratineur et capable de se sortir des situations les plus périlleuses par les mots, par son aplomb et sa grande expérience du ridicule sans broncher. Car toujours il s’en sort !